Tout employeur est tenu à une obligation générale de sécurité à l’égard de ses salariés, et dans le cadre de cette obligation générale, tout employeur doit mettre en œuvre une surveillance médicale des salariés.
Cette surveillance médicale est assurée un Service de Prévention et de Santé au Travail (SPST) dont les missions sont mises en œuvre par un Médecin du Travail ou une équipe pluridisciplinaire.
La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 dite « loi santé au travail », a réformé la médecine du Travail afin de renforcer la prévention de la santé au travail, en adaptant plusieurs dispositifs liés au suivi médical des salariés.
Les modalités d’application de ces nouvelles règles, sont entrées en vigueur depuis le 31 mars 2022.
Rappelons ci-après les incidences pratiques de ces évolutions légales de la médecine du travail dans la mise en œuvre des principales visites obligatoires d’une part et des avis d’aptitudes ou d’inaptitudes au poste, qui peuvent en résulter d’autre part.
Les principales visites médicales obligatoires :
- La visite d’information et de prévention :
Depuis la loi Travail du 8 août 2016, la traditionnelle « visite médicale d’embauche » avait déjà été remplacée par une « visite d’information et de prévention ».
Depuis le 1er janvier 2017, tout salarié nouvellement recruté doit ainsi bénéficier de cette visite d’information et de prévention, dans le délai de 3 mois à partir de sa prise de fonction effective, et dans certains cas, préalablement à cette prise de fonction, notamment pour les salariés de moins de 18 ans.
Il résulte des articles L 4624-1, et R 4624-10 à R 4624-16 du Code du Travail que tout salarié non affecté sur un poste à risque, bénéficie à l’embauche d’une visite d’information et de prévention, réalisée par un membre de l’équipe pluridisciplinaire en santé.
Cette d’information et de prévention a notamment pour objet :
– d’interroger le salarié sur son état de santé,
– de l’informer sur son suivi médical
– et d’identifier si sa situation nécessite une orientation vers le médecin du travail.
La visite d’information et de prévention n’est pas obligatoirement effectuée par le médecin du travail.
Ce dernier peut, en effet, sous son autorité, confier les visites et examens relevant du suivi individuel des travailleurs aux collaborateurs médecins, aux internes en médecine du travail ou aux infirmiers en santé au travail.
Lors de cette visite, un dossier médical de santé au travail est ouvert, et une attestation de suivi est remise au salarié et adressée à l’employeur.
Le temps nécessité par les visites (et les éventuels examens médicaux, y compris les examens complémentaires), est soit pris sur les heures de travail sans qu’aucune retenue de salaire puisse être opérée, soit rémunéré comme temps de travail effectif lorsque ces rendez-vous ne peuvent pas avoir lieu pendant les heures de travail.
Le temps et les frais de transport sont pris en charge par l’employeur.
La visite d’information et de prévention est renouvelée périodiquement, selon une périodicité fixée par le médecin du travail et qui ne peut pas excéder 5 ans.
Dans ces conditions, si le salarié a déjà bénéficié d’une visite d’information et de prévention dans les 5 ans précédant son embauche, il peut être dispensé de visite :
– s’il va occuper un emploi identique présentant des risques équivalents,
– s’il n’a fait l’objet d’aucune mesure individuelle d’adaptation, d’aménagement ou de transformation de poste ni d’aucun avis d’inaptitude physique au cours de ces 5 ans,
– et si le professionnel de santé est en possession de la dernière attestation de suivi ou du dernier avis d’aptitude.
L’employeur doit donc s’assurer lors de l’embauche, que cette visite d’information et de prévention a bien eu lieu dans le délai maximum de 5 ans précité.
En pratique, le délai entre deux visites est fixé par le médecin du travail qui prend en compte les conditions de travail, l’âge et l’état de santé du salarié, ainsi que les risques auxquels il est exposé.
D’un point de vue pratique, la déclaration préalable à l’embauche vaut demande de visite d’information et de prévention.
Si, à l’issue de la visite d’information et de prévention, le salarié est orienté vers le médecin du travail, celui-ci peut proposer une adaptation de son poste ou l’affectation à un autre poste.
- Les visites de pré-reprise ou de reprise :
Des visites peuvent également avoir lieu, dans certaines circonstances particulières, comme, par exemple, la visite de pré-reprise ou de reprise à la suite d’un arrêt de travail d’une certaine durée, la visite de mi-carrière, ou à la demande du salarié, de l’employeur ou du médecin du travail.
Le salarié bénéficie d’un examen médical de reprise du travail par le médecin du travail :
– après un congé de maternité ;
– après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
– après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail ;
– après une absence d’au moins soixante jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel pour les arrêts de travail ayant débutés à partir du 1er avril 2022).
Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il doit saisir le service de prévention et de santé au travail qui organise l’examen médical de reprise le jour de la reprise effective du travail, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.
Ce délai court à compter de la reprise effective du travail par le salarié ou de la date à laquelle il sollicite l’organisation de cet examen.
Si l’arrêt maladie est immédiatement suivi d’une période de congés payés, la visite peut avoir lieu au retour effectif du salarié dans l’entreprise.
Selon la jurisprudence, le refus réitéré du salarié de se présenter à la visite peut motiver un licenciement disciplinaire, le cas échéant, pour faute grave.
Le salarié peut solliciter l’organisation de la visite de reprise auprès de l’employeur ou directement auprès du médecin du travail à condition d’en informer l’employeur au préalable.
L’employeur n’a pas l’obligation d’organiser la visite de reprise si le salarié n’a ni repris le travail ni manifesté sa volonté de le reprendre, et ne sollicite pas l’organisation de cette visite.
L’organisation de la visite reste obligatoire si le salarié informe l’employeur de son classement en invalidité 2e catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, un tel classement étant sans incidence sur son obligation à l’égard de la médecine du travail.
Aux termes de l’article R.4624-32 du Code du Travail, cet examen médical de reprise du travail a pour objectif :
– de vérifier si le poste de travail que doit reprendre le salarié, ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé ;
– d’examiner les propositions d’aménagement ou d’adaptation du poste repris par le salarié ou de reclassement faites par l’employeur à la suite des préconisations émises, le cas échéant, par le médecin du travail lors de la visite de pré-reprise ;
– de préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du salarié ;
– d’émettre, le cas échéant, un avis d’inaptitude.
Le médecin du travail est informé par l’employeur de tout arrêt de travail d’une durée inférieure à trente jours pour cause d’accident du travail afin de pouvoir apprécier, notamment, l’opportunité d’un nouvel examen médical et, avec l’équipe pluridisciplinaire, de préconiser des mesures de prévention des risques professionnels.
Le médecin du travail informe, sauf si le salarié s’y oppose, l’employeur et le médecin conseil, de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi.
Le salarié qui ne reprend pas le travail à l’issue de l’arrêt maladie a droit au paiement de son salaire s’il se tient à la disposition de l’employeur pour passer la visite de reprise et manifeste son intention de réintégrer l’entreprise.
- Avis d’inaptitude médicale :
L’avis d’inaptitude émis par la médecine du travail :
A l’issue des visites médicales ponctuelles ou périodiques rappelées ci-avant, le médecin du travail peut déclarer le salarié médicalement inapte à son poste après :
– au moins un examen médical accompagné, le cas échéant, d’examens complémentaires, permettant un échange entre le médecin et le salarié sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
– une étude du poste et des conditions de travail du salarié, avec indication de la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
– un échange, par tous moyens, avec l’employeur.
Le médecin du travail peut conclure à l’inaptitude médicale s’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste occupé n’est possible, et que l’état de santé du salarié justifie un changement d’emploi.
L’avis d’inaptitude est assorti des conclusions écrites, et indique les conditions d’un éventuel reclassement du salarié.
A ce titre le médecin du travail peut aussi y indiquer que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »
La procédure d’échange avec l’employeur et le salarié leur permet de faire valoir leurs observations sur les avis et propositions que le médecin du travail entend adresser.
S’il estime qu’un second examen médical est nécessaire, le médecin reçoit à nouveau le salarié dans un délai maximal de 15 jours après le premier examen.
La notification de l’avis d’inaptitude intervient au plus tard à cette date.
Les motifs de l’avis du médecin du travail sont consignés sur l’avis d’inaptitude, transmis à l’employeur et au salarié ainsi que dans le dossier médical.
- Les conséquences et recours à la suite de l’avis d’inaptitude :
En fonction des prescriptions de l’avis d’aptitude émis par la médecine du travail, le salarié peut reprendre son poste, le cas échéant avec les aménagements et adaptations de postes requis.
En cas d’avis d’inaptitude au poste émis par la médecine du travail, l’employeur dispose d’un délai d’un mois :
– pour reclasser le salarié à un poste compatible avec les prescriptions de la médecine du travail,
– ou procéder au licenciement, à défaut de reclassement possible sur un poste disponible dans l’entreprise ou le Groupe auquel appartient l’entreprise.
Si le salarié n’a été ni reclassé ni licencié dans ce délai d’un mois, l’employeur a l’obligation de reprendre le paiement intégral du salaire que le salarié soit en arrêt de travail ou pas.
Il est important de relever que le motif de ce licenciement n’est pas l’inaptitude elle-même du salarié, mais l’impossibilité de reclasser le salarié à la suite de cet avis d’inaptitude.
L’employeur ou le salarié peut aussi exercer un recours contre les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail et reposant sur des éléments de nature médicale devant le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond dans un délai de 15 jours à compter de leur notification.
Une fois le délai de 15 jours écoulé, plus aucune contestation n’est recevable, qu’elle porte sur les éléments médicaux ou sur le non-respect de la procédure par le médecin du travail.
Le conseil de prud’hommes, qui examine les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé, rend un avis qui se substitue à celui du médecin.
Le juge statue dans les conditions prévues par l’article R 1455-12 du Code du travail, c’est-à-dire qu’il exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction de fond et prend une ordonnance, exécutoire à titre provisoire, ayant l’autorité de la chose jugée.
Tels sont les rappels et repères essentiels à connaitre en matière de surveillance médicale de vos salariés et d’intervention de la médecine du travail.